Dans un article précédent sur les parfums disparus, je parlais notamment de l’Osmothèque, un conservatoire de la parfumerie situé à Versailles, dépositaire de nombreux parfums rares ou disparus.
J’ai eu la chance d’assister à une conférence sur l’histoire de la parfumerie ce week-end, donnée par Patricia de Nicolaï. L’exposé était brillant, les 2h30 sont passées extrêmement vite et nous avons aussi eu la chance de pouvoir sentir quelques exemples de parfums historiques reconstitués. L’expérience était aussi émouvante que de visiter un musée, car il s’agit bien là d’un patrimoine humain, bien que moins bien connu que d’autres.
Voici certains des parfums, historiques, émouvants, et “royaux” – Versailles oblige ! – que j’ai pu découvrir à l’Osmothèque :
Le Parfum Royal des Rois Parthes, Antiquité

Le premier parfum que Patricia de Nicolaï nous a fait sentir est le Parfum Royal des Rois Parthes, qui a pu être reconstitué grâce à la description de Pline l’Ancien dans son Histoire Naturelle de 77: http://remacle.org/bloodwolf/erudits/plineancien/livre13.htm
Le parfum est tellement fort, que nous n’avons pas pu approcher la mouillette parfumée à moins de 10 centimètre de notre nez. La mouillette que j’ai conservée sent encore assez fort ce soir… L’odeur épicée, cannelle, myrrhe, cardamome et autres, est un peu l’équivalent olfactif d’un regard au soleil…
A ma connaissance, ce parfum ne peut être senti qu’à l’Osmothèque.
L’Eau de la Reine de Hongrie, ~1370
Alors que pendant l’Antiquité, notamment sous l’Égypte Ancienne, le parfum acquière des usages hygiéniques et cosmétiques en plus de l’aspect religieux, à la fin de l’Antiquité et au début du Moyen-Age l’usage des odeurs en Europe reste confiné aux églises – myrrhe, encens. Pendant ce temps, le monde arabe découvre l’alcool et ses vertus de conservations et fabriquent ainsi des parfums. Grâce aux échanges commerciaux avec l’Orient, L’Europe redécouvre les parfums.
Au 14ème siècle, un alcoolat de romarin est fabriqué pour Élisabeth de Pologne, Reine de Hongrie. On dit qu’elle conserva sa beauté jusqu’à la fin de sa vie et que le jeune roi de Pologne la demanda en mariage à 72 ans. La légende est fausse, mais le parfum a perduré et un avatar est maintenant fabriqué par la maison Fragonard.

L’Eau de Cologne de Napoléon à Sainte-Hélène, 1820
Quelques siècles plus tard, un parfum célèbre voit le jour : l’Eau de Cologne, de Jean-Marie Farina, 1708. Elle devient le parfum favori de Napoléon Bonaparte.
Quand l’empereur Napoléon 1er est exilé à Sainte-Hélène, en 1815, il emporte avec lui un flacon d’eau de Cologne, qu’il avait l’habitude d’user en friction, dans son bain, ou même en canard sur un sucre… Lorsque son flacon est vide, il ne peut s’en procurer un nouveau facilement, et demande à son Mamelouk Ali – en réalité Louis-Étienne Saint-Denis, un Versaillais – de recréer une eau de Cologne en fonction des ingrédients disponibles sur l’île de Sainte-Hélène. Dans des papiers d’Ali, on retrouve par la suite la formule de cette eau de Cologne maison, confiée ensuite à l’Osmothèque.
On peut maintenant acheter une reproduction de cette eau – que j’ai préférée à l’Eau de Cologne originale ! – dans une boutique en ligne : http://www.parfums-historiques.com/boutique/fr/
Je recommande fortement les conférences de l’Osmothèque, pour ceux qui aiment le parfum ou qu’un voyage dans l’histoire émeut.
J’ai assisté aujourd’hui à une autre séance, même thème, autre conférencier (Jeanne-Marie Faugier).
Expérience exaltante, souvent difficile de mettre des mots sur les matières premières ou les parfums quand on n’y est pas entraîné. J’ai bloqué sur certains sans réussir à retrouver le souvenir ou l’émotion ressentie. Je referai une passe plus tard “à froid” sur la trentaine de mouillettes que j’ai ramenées.
Quelques noms parmi les grands parfums centenaires ou quasi-centenaires qui nous ont été proposés : Vétiver (Guerlain), L’aimant (Coty), Fougère Royale (Houbigant), Tabac blond (Caron)